By Aurore Fougeray | Published | 6 commentaires
Cela fait maintenant quelques années que je trouve beaucoup de cohérence entre le yoga et l’équitation, les outils du premier devenant souvent les aides du second. Car j’ai cette manie de devoir absolument rapprocher au cheval ou à l’équitation toute activité que je pourrais pratiquer. Même la poterie m’a apporté quelques pistes sur le centrage !
Sans jamais avoir douté de ce que la pratique du yoga pouvait m’apporter, c’est pourtant la découverte du wing chun il y a à peine quelques mois qui m’a bouleversé parmi tout le reste. Mais qu’est-ce alors que le wing chun ? Le wing chun est un art martial chinois qui a été créé au 17 ème siècle. La légende rapporte qu’il aurait été créé par Yim Wing Chun, une femme qui a voulu se donner les moyens de décliner la demande en mariage d’un notable. Celle-ci se serait alors rapprochée d’une nonne shaolin, Ng Nui afin que cette dernière lui enseigne l’art du combat. Un art martial crée par deux femmes donc …
Les quelques séances de wing chun que j’ai à mon actif s’enchaînent. Mais à la première séance, c’est déjà une grosse claque ! Tout ce dont l’enseignant, Sifu en chinois, est en train de parler fait partie intégrante de mes obsessions équestres du moment (hum de toute une vie ?). Prise du centre de son partenaire, appuis 50-50 sur ses 2 jambes et proche du sol, contrôle de l’orientation du bassin … Immédiatement, les 4 bases de l’équitation centrée de Sally Swift me reviennent en tête (évidemment, elle parle aussi des arts martiaux) :
– Regard doux (comprendre regard panoramique, qui ne s’attarde pas sur un détail focal)
– Respiration
– Centrage (contrôle du centre du corps au niveau du bassin et du bas du dos)
– Alignement des cubes ( différentes composantes de la posture du cavalier : jambes, bassin, tronc, épaules, cou + tête)
“Chacun de mes gestes déterminera la valeur du suivant”
En plus des notions biomécaniques largement abordées en wing chun par Sifu, il y a bien évidemment les notions philosophiques et si subtiles inhérentes aux arts martiaux qui parlent forcément aux gens de chevaux.
D’après ce que j’ai pu comprendre jusqu’à présent, c’est que même si il est question de se former à un art de combat, cela n’en demeure pas moins un énorme travail d’écoute de l’autre, un travail à deux, tout comme à cheval. “En combat, vous êtes avec et non pas contre votre adversaire” dit Sifu. Instantanément, me reviennent en mémoire les images et les expériences avec les chevaux dit dangereux, délicats ou compliqués, cette obligation d’aller avec pour ne pas finir au tapis !
Et c’est réellement ce qui se passe dans la pratique du wing chun , et des arts martiaux plus largement je suppose : une pratique avec un partenaire, un moment où l’enseignant n’est plus l’instructeur mais l’individu que vous avez en face de vous, qui vous guide avec une valeur tout aussi importante que ce le “maître” peut vous apporter. Pire encore, vous devenez votre propre enseignant. Ce qui permet donc de goûter à cet adage que je chéris : “L’enseignement n’est pas toujours là où on croit”.
Un art martial vous donne accès directement à vos émotions puissance mille. Les chevaux aussi me direz vous mais croyez-moi, ils sont bien plus tolérant et bienveillant que ce qu’on imagine ! La pratique du wing chun m’a confronté à mon ego de façon si concrète qu’il a fallu que j’en accuse le coup et que je le digère profondément à un endroit où les chevaux auraient été bien plus délicats, soyez-en sûr …
Et puis cette idée que le mouvement détermine le suivant, de laquelle émerge qu’on a pas le choix que de pratiquer dans un état de présence/conscience réel pour créer un geste juste, un enchaînement fluide est de toute façon commune aux arts martiaux et à la pratique de l’équitation. L’imperfection de ma pratique équestre et du wing chun me font trépigner d’impatience : je ne maîtrise pas encore assez cette notion, mais ça va venir …
Un art martial, vous l’aurez compris, tout comme les chevaux, c’est l’art du mouvement, où tout comme l’art équestre, aucun geste n’est superflu, tous sont habités jusqu’au bout des ongles.
“Connais en toi le masculin, adhère au féminin” Lao Tseu
Et le yoga dans tout ça ?
Après cette découverte du Wing Chun , je suis confortée dans l’idée que vraiment on a tout à gagner, nous autre cavaliers, et à plus forte raison, nous autres enseignants équestres (bon surtout ceux qui portent un intérêt particulier à une pratique en pleine conscience, mais ça doit être une des obsessions majeures de tout enseignant digne de ce nom, non?) à se connecter à un art martial. Pourtant, ces derniers temps c’est aussi toutes mes pratiques de Yoga qui me reviennent en mémoire et qui s’intensifient au quotidien.
Pourquoi le yoga au fait ? J’en arrive à vrai dire à concevoir le travail que je propose aux chevaux comme étant même une pratique yogique. C’est en tout cas l’acception avec laquelle je suis le plus en accord, une pratique en conscience qui fait du bien au corps physique mais aussi au corps psychique du cheval, qui apaise le flot émotionnel quand il en a besoin.
Concrètement, ça veut dire que je me permets d’avoir quelques exigences avec les chevaux, mais aussi vis à vis de moi. C’est même la base et le point de départ.
C’est par cette porte que j’ai découvert le yoga : avoir un minimum de discipline me concernant puisque j’avais la prétention d’en réclamer à mon cheval. Cette idée peut sembler un peu simpliste mais elle est loin d’être appliquée universellement chez les gens de chevaux ou dans le milieu équestre.
Vous exigez de votre cheval une forme athlétique ? Soyez le vous même.
Vous lui demandez d’avoir conscience de la totalité de son corps ? Le cheval doit niveler ses émotions ? Commencez par vous même.
C’est ce que propose le yoga traditionnel, un travail sur et pour soi afin de vivre en paix avec les autres, avec des tonnes d’outils exploitables par le cavalier : techniques respiratoires (pranayama), conscience du corps, travail postural, connaissance de soi, médiation, …
Yoga et arts martiaux
Ces deux pratiques nourrissent actuellement mon travail aux côtés des chevaux et des élèves.
Le travail de la posture intérieure est le pilier commun majeur à mes yeux entre yoga, wing chun et cheval : rester stable et centré, même au cœur de la tempête.
Le yoga parle aussi de drashta, cette posture d’observateur neutre et sans jugement. Combien nous nous rendons service lorsqu’elle s’installe avec les chevaux : surtout quand les situations sortent de l’ordinaire, ou même lorsqu’elles paraissent d’emblée … foireuses !
En fait, accueillir chaque situation comme étant juste un nouvelle expérience, c’est un sacré travail, le yoga nous y donne accès, le wing chun aussi, et bien-sûr les chevaux nous y obligent.
Dans tous les cas, vous savez que vous êtes dans le juste si vous arrivez à observer un arrêt des fluctuations du mental, mais encore une fois, c’est du travail, surtout dans nos sociétés occidentales.
Ma rencontre avec les chevaux a fondamentalement orienté ma vie comme vous probablement, mais je ne vois pas comment il est encore possible de poursuivre sereinement sans discipline. Je m’explique.
Hormis le fait que la pratique du yoga, tai chi ou autres arts martiaux devraient être obligatoire pour tout le monde, il me semble terriblement important de rappeler aux cavaliers qu’ils ont des responsabilités à l’égard des chevaux qu’ils fréquentent. Notre état de présence impacte le cheval, nos émotions traversent le cheval, notre santé physique et notre énergie impacte le cheval. Au delà du niveau d’exigence qu’on peut avoir avec lui, il reste un individu d’une espèce différente, parfois immature, qui n’a rien demandé de spécial à l’humain, le premier cadeau qu’on peut peut-être lui faire, c’est déjà justement de nous prendre en charge nous-même, et surtout pas de lui demander de le faire à notre place.
Merci à mes maîtres et à mes chevaux pour leur enseignement, j’espère qu’ils se reconnaîtront.
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Joli texte. Attention à ne pas se perdre dans les concepts toutefois. J’ai tenté aussi, comme bien d’autres l’association Arts Martiaux et Equitation.
Merci Frédéric. Je n’en suis pas encore au stade de l’association, pour le moment je m’appuis sur les outils de l’un pour affirmer l’autre 😉
Beau témoignage ! Merci de partager l’expérience ‘intérieure’ que tu vis à travers tes différentes pratiques.
A partir du moment où on suit une voie (un art), c’est souvent les mêmes principes que l’on retrouve, peut-être parce que c’est l’humain dans tous les cas. C’est chouette de décrire ça dans ton texte, en faisant des parallèles entre l’équitation, le Wing Shun et le yoga. En outre, les ‘veilles’ voies (arts traditionnels) sont riches des expériences compilées des générations passées. Beaucoup de choses se sont sans doute perdues en cours de route, mais il y a toujours des principes qui se sont transmis, et surtout qui peuvent être retrouvés par le pratiquant, par la pratique justement (d’ailleurs c’est ça le plus excitant/vivant/authentique, n’est-ce pas ?).
Tu parles de la rigueur/exigence qu’on peut avoir envers nous-même (avant de l’avoir envers le cheval)… Ça c’est bien quelque chose que je sens très palpable chez toi ! Et que j’apprécie, car ça tire toute l’écurie vers le haut. Un grand merci donc, pour cette rigueur que tu cultives.
Récemment, je me suis rendue compte à quel point mon état (émotions du moment mais aussi humeur profonde) influençait ma pratique. Et j’ai compris que, pour progresser/avancer dans ma pratique équestre, j’avais besoin de ‘prendre soin de ce que j’étais’, par d’autres moyens que l’équitation en elle-même. J’ai sentie comme ‘ce que je fais/ce que je suis’ en-dehors de l’écurie avait autant d’importance que ce que j’étais capable d’être à l’écurie. Cela me rappelle mon prof d’Aïkido qui nous disait souvent : « Vous savez l’aïkido, on s’en fiche. Ce qui se passe sur le tatami c’est important certes, mais le plus important c’est ce qui se passe en dehors du tatami, ce que vous êtes dans votre vie. »
Voilà. Une expérience intérieure en appelle une autre….
Merci encore pour l’échange, et surtout pour ton enseignement sur le tarmac !
Merci infiniment pour ce commentaire, il me touche profondément !
Très beau texte !
Merci Noella, il m’a pris du temps ce texte mais il a fini par sortir 😉