By Aurore Fougeray | Published | Aucun commentaire
J’ai presque honte de m’apercevoir que cela fait bien longtemps que je n’ai écrit aucun article. Mais pourquoi ?
Peut-être que la réponse est rassurante : parce que je pratique et que j’expérimente. Le désir d’écrire ne m’a pas quitté. En fait, c’est plus d’un besoin dont il s’agit. Simplement, il s’est passé du temps depuis le dernier article, car se remettre à écrire, c’est convoquer de nouveau cette angoisse de manquer de profondeur dans les propos et aussi, de bien savoir de quoi on parle exactement. C’est important, non ? Surtout quand on a la prétention de parler des chevaux. Donc pendant toute la gestation de cet article, la question était : qu’est ce qui est le plus important quand on a la chance de fréquenter les chevaux ?
Je crois que quoiqu’on ait envie d’entreprendre, il est besoin de définir nos priorités avec eux. Pour ma part, j’ai du mal à imaginer comment travailler avec chevaux et humains si je vais délibérément à l’encontre des notions de sécurité et de bien-être. Consciemment ou surtout inconsciemment. Ça veut dire qu’on a pour première obligation à l’égard du cheval de pas être ignorant. Pour de vrai ! Les livres et les articles aident mais ce n’est pas suffisant. Peu de gens ont conscience que devenir un véritable horseman ou une véritable horsewoman, c’est comme devenir médecin, ça prend des années d’études. C’est passé du temps sur le terrain, avec les chevaux, en rencontrer pleins des différents, accepter d’aller aussi vers ceux qui vont nous poser question, tout en sachant qu’on tirera les leçons importantes des situations ou individus difficiles. Ça prend des années d’études d’intégrer dans son corps, dans ses muscles les plus profonds le mouvement du cheval. Ça prend des années d’avoir un peu de savoir vivre auprès des chevaux pour ne pas oublier qu’ils sont toujours bien plus tolérant à notre égard que ce qu’on imagine. Et pour cause, l’espèce équine est vieille de plus de 50 millions d’années contre moins de 5 millions pour les hominidés. Vous voyez l’écart ?
Apprendre à se connaître
“First things first” disent les anglo-saxons. C’est déjà le commencement, se poser fondamentalement la question de ce que c’est qu’un cheval. Et de ne pas l’oublier ensuite. J’aime bien parler des quatre dimensions incompressibles du cheval. Ce sont les quatre dimensions de l’espèce que nous ne pouvons pas changer chez le cheval. Certains chevaux sont pourtant en carence de ses dimensions-là. Mais jouer sur ce tableau peut être très risqué et ne nous aidera pas beaucoup.
Herbivore Quoique vous fassiez, votre cheval aura toujours un besoin inconditionnel de manger de l’herbe, des végétaux en tout genre, du foin. Pendant de longues heures par jour (je veux dire pour un humain) et en de grandes quantités. N’oubliez pas, quoiqu’il arrive, ils en ont besoin.
Proie Quelques soient vos qualités de personne de cheval, votre cheval sera toujours un animal de proie. Le comprendre, c’est l’accepter : c’est ne pas s’étonner quand des comportement de fuite peuvent émerger, c’est accueillir la peur du cheval au même titre que toute autre émotion, quel que soit le tempérament du cheval, y compris chez les plus “courageux”. Les expressions du stress peuvent même chez ceux-là être très subtiles pour un humains non avertis
Social Un cheval, des chevaux. Tout est dit ! Plus sérieusement, c’est justement pour répondre à la pression de la prédation que le cheval est devenu une espèce grégaire. La promiscuité d’autres individus chevaux en a même fait un individu social, ce qui veut dire qu’il a des amis et et d’autres chevaux qu’il apprécie un peu moins au sein d’un groupe.La vie sociale éduque et protège le cheval. L’en priver, c’est se tirer une balle dans le pied et jouer au Dr Frankenstein en risquant de voir émerger des comportements inhabituels voir dangereux pour un humain.
Mouvement Le cheval vit par et pour le mouvement. Derrière cette dimension, il y a aussi l’idée de liberté. Les chevaux doivent bien-sûr être libre de leurs mouvements, libre aussi d’être eux-même dans l’expression de leur mouvement pendant leurs interactions avec l’humain. N’attendez pas une extrême placidité chez un jeune pur-sang arabe, tournez vous plutôt vers un henson avec un peu de métier et d’expérience de l’humain, par exemple. Mais aussi, offrir et augmenter le mouvement dans la vie du cheval domestique qui vit parfois comme un pantouflard .
Avec du temps et des connaissances, je comprends ce qui est juste pour mon cheval. Ça inclura forcément une connaissance de soi. Sans vouloir faire de saut quantique, pratiquer l’équitation, qui ne pourra pas se passer de la compréhension de l’espèce équine comme on vient de le voir, c’est accepter la voie martiale de la connaissance de soi. Toujours dans le soucis d’être juste avec les chevaux, et au passage, au préalable même, être juste avec soi-même. C’est à dire se voir interagir avec les chevaux, visualiser sa posture à cheval (avec ou sans œil extérieur, mais il faut un peu de métier pour “s’auto-posturer” sans personne), bienveillance sans complaisance, qui sait voir arriver l’égo avec ses gros sabots.
Apprendre à comprendre
Dans tous les cas, rien de justifiera d’outre passer la sécurité des chevaux et des humains. Si celle-ci est menacée, il faut impérativement comprendre pourquoi. Que faire si on est confronté chez le cheval à des comportements indésirables ? qui nous dérangent ? qui sont dangereux ? C’est déjà 3 catégories de comportements différents. Inhiber ou éteindre un comportement sera peut-être synonyme de sécurité (temporaire) mais pas forcément de bien-être. Attaquez vous à la racine du problème en comprenant la fonction et le besoin qui est exprimé à travers un comportement, et les solutions pérennes viendront plus facilement. Il m’arrive en revanche de “jouer” avec les observables du bien-être du cheval, mais je le fais toujours en conscience et je m’assure que cela soit temporaire. C’est que la vie n’est pas toujours confortable ! On a tous besoin de passer par là pour surmonter des peurs et des obstacles. J’accompagne le cheval jusque là, pour de vrai dans la vraie vie. Et je mesure alors la valeur du chemin parcouru ensemble.
Donc, d’un côté, je sais éteindre un comportement, mais si je le fais, je le fais en sachant pourquoi le cheval exprime ce comportement. De l’autre côté, ma responsabilité de sage-humain, qui à mon sens a une valeur bien plus primitive qu’il n’y parait, implique que je sais respecter la nature du cheval pour ce qu’il est et non pas pour ce que je voudrais qu’il soit. C’est ce qui va me permettre aussi de distinguer un élève studieux d’un cheval résigné ou très timide. On a tout à gagner à laisser une chance au cheval d’être lui-même, de laisser assez de possibilités pour que la personnalité de celui-ci puisse s’exprimer dans un travail non-aliénant et dans la vie de tous les jours. Encore une fois, tout ceci demande du temps, de s’en laisser pour comprendre, pour ralentir, et d’en laisser suffisamment au cheval.
Horsemanship et art équestre Le privilège de (bien) monter un cheval est réservé à une élite. C’est vrai. L’élite de ceux qui veulent bien le comprendre, dans tout ses aspects. Les chevaux nous font un cadeau lorsqu’ils nous acceptent sur leurs dos, pour toutes les raisons que l’on a évoqué plus haut, et pour bien d’autres encore. Dans tous les cas, l’art équestre est dispendieux : en recherche, en temps, en argent et en énergie. Vous ne ferez aucune économie. Tout est là dans le cheval, à nous de nous montrer à la hauteur. Je n’attends pas du cheval qu’il interprète mes désirs farfelus d’écuyer, dans lesquels il consent pourtant de m’accompagner. C’est aussi faire la promesse au cheval de rester dans une communication spontanée, de ne pas céder au sur-conditonnement, si dangereux.
L’équitation ne soumet pas, elle apaise. A nous de tutoyer l’idéal. Les chevaux eux savent déjà. Et c’est tant mieux.
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